Premier bilan de la commission d’enquête TikTok

🗞​ Après 3 mois d’enquête et plus de 150 auditions, nous dressons un premier bilan de la commission d’enquête.

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Quels sont les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs ? C’est la question à laquelle tente de répondre la commission d’enquête parlementaire lancée en mars. Après une consultation publique ayant généré 30 000 réponses, les députés ont entendu plus de 150 acteurs et experts. Alors que les auditions ont pris fin, mardi 24 juin, la rapporteuse Laure Miller (Ensemble pour la république) et le président Arthur Delaporte (Parti socialiste) présentent le bilan, avant la remise du rapport, prévue en septembre.

Cette commission d’enquête avait pour objet d’examiner l’effet psychologique de TikTok sur les mineurs. Après cette série d’auditions, quelle conclusion en tirez-vous ?

Laure Miller : Malgré certaines nuances, il y a des effets psychologiques indéniables sur les plus jeunes, ce qui doit nous conduire à l’application d’une forme de principe de précaution. On ne peut pas, sous prétexte que certains jeunes peuvent avoir du recul sur cette application, sacrifier une partie de nos enfants qui, eux, peuvent subir un impact extrêmement néfaste de TikTok.

Arthur Delaporte : Les principaux impacts tiennent à l’efficacité de son algorithme, la privation du temps de sommeil et le catalyseur de mal-être que représente l’application.

N’y a-t-il que des effets négatifs ? TikTok peut aussi être un espace de créativité pour les adolescents, un lieu où s’informer, avec HugoDécrypte ou Le Monde par exemple…

L. M. : Oui, mais c’est une goutte d’eau. Je reconnais une capacité à répondre à des besoins de socialisation spécifiques des jeunes. Mais le fait que du contenu soit positif ne légitime pas l’existence des contenus négatifs. Avec l’algorithme, la radicalité et le négatif sont mis en avant. Quand on a connaissance de tout ça, on ne peut pas se satisfaire de dire : « Il y a HugoDécrypte. »

Au fil de cette enquête, qu’avez-vous découvert qui vous a le plus surpris ?

A. D. : Le déni des plateformes de leur responsabilité. C’est le plus choquant.

L. M. : Oui, leur mauvaise volonté : ils ont les moyens de faire quelque chose et ne le font pas.

A. D. :  Ce qui nous a surpris aussi, c’est le sentiment d’impuissance d’un grand nombre d’acteurs publics. C’est le lapin devant les phares de la voiture : tétanisé et qui ne fait rien, ou pas assez. Sachant que, chaque mois qui passe sans régulation, des jeunes sont sacrifiés. Il ne faut pas longtemps pour tomber dans une spirale de noirceur. Il y a urgence.

Vous avez auditionné les représentants de TikTok, qui ont assuré que la sécurité de leurs utilisateurs, notamment les mineurs, était la priorité de la plateforme. Vous ont-ils convaincus ?

L. M. : Pas du tout. Ils donnent une belle leçon de langue de bois aux politiques ; nous qui pensions en avoir le monopole ! C’était insupportable. Notre objectif était de leur montrer la réalité, avec des témoignages et des vidéos toujours en ligne. Ils ont reconnu des failles. Ça nous a permis de mettre en évidence l’imposture de leur discours. Ils disaient : « Notre modèle économique ne tourne pas autour des jeunes, on s’en fiche, qu’ils soient là ou pas. » Alors dans ce cas, qu’ils mettent en place un système de vérification de l’âge ! Ils en ont les moyens techniques, mais ils attendent les autres avant de le faire. C’est de la mauvaise foi.

Une série d’auditions a particulièrement retenu l’attention, celle d’influenceurs controversés. Notamment une séquence : quand le masculiniste Alex Hitchens, en visioconférence, vous a raccroché au nez. Allez-vous le poursuivre, sachant que refuser de comparaître devant une commission d’enquête est passible de deux ans d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende ?

A. D. : On y réfléchit. Parce que le respect des institutions et des lois est cardinal. C’est vrai que cette audition a mis les projecteurs sur cette commission d’enquête, alors que la presse ne s’en faisait pas suffisamment l’écho, ce qui est triste, car les auditions les plus fortes, comme celles des victimes, et les plus sidérantes, comme celles des responsables de TikTok, n’ont pas connu le même sort. C’est une illustration de la manière dont les réseaux sociaux radicalisent le débat public : l’algorithme met en avant des contenus choquants, alors que, quand on cherche à faire de la pédagogie, on est hors des radars. Il y a eu cette reprise médiatique parce qu’il y avait de l’écho sur les réseaux sociaux.

Cela a aussi fait gagner en visibilité Alex Hitchens, qui capitalise sur cet épisode pour faire sa promotion et développer un discours antisystème. Regrettez-vous d’avoir offert une tribune à ces influenceurs ?

A. D. : Je ne regrette absolument pas, car on a appris des choses de leurs auditions. On a vu leur déni, on a vu leurs soucis aussi. On leur a posé des questions sur leurs revenus : c’est notre travail, de nous intéresser à la mécanique économique derrière tout ça, parce que, si les contenus existent et sont « poussés », c’est qu’ils rapportent de l’argent. Là, ils vont gagner de l’argent sur le dos de l’Assemblée nationale, mais comme ils gagnent de l’argent sur le dos des mineurs ! Ce qui doit nous choquer, ce n’est pas que l’Assemblée ait contribué à ce qu’ils génèrent des revenus, c’est qu’ils génèrent des revenus sur des contenus problématiques.

Vous avez laissé entendre, lors de l’audition des représentants de Meta, YouTube et X, que les plateformes devraient avoir des conditions d’utilisation « plus vertueuses que le droit », en interdisant, par exemple, certains propos sexistes mais légaux. Ça peut paraître surprenant de la part de législateurs…

A. D. : Non, parce que la loi ne peut pas être à chaque fois la mieux-disante. Prenons le droit des contrats : si vous voulez instituer la semaine de quatre jours dans votre entreprise, qu’est-ce qui vous en empêche ? Il y a là plutôt un effet rhétorique qui ne s’observe pas en réalité : Facebook a une politique restrictive sur la nudité, que le droit n’interdit pas, et à côté de ça vous avez des propos clairement à la frange de l’illégalité, qui sont tolérés. Il y a une hypocrisie terrible. Aujourd’hui, TikTok est le réseau qui va intervenir un peu plus, mais ce « un peu plus » n’est pas suffisant.

Vous comptez publier votre rapport en septembre, assorti d’une série de recommandations, qui pourraient aussi concerner les autres plateformes. Avez-vous déjà quelques idées ?

L. M. : C’est délicat de commencer à en parler. Je veux que le rapport porte la parole de tous mes collègues membres de la commission. Ce n’est pas un sujet de clivage, une grosse part du travail peut être faite de façon transpartisane.

A. D. : Les plateformes évoluent à une vitesse plus rapide que la régulation ne s’adapte mais, dans cette course contre la montre, j’ai l’impression qu’il se passe quelque chose du côté des acteurs publics. Ce qui s’est passé la semaine dernière a mis une piqûre de rappel sur le fait qu’il ne fallait pas tarder. On a reçu des remerciements en cascade de familles de victimes, d’acteurs de l’écosystème ou de parents inquiets, pour nous être emparés du sujet. C’est ça, notre principal moteur. Peu importent les critiques de masculinistes.

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