Interview L’Humanité : « La gauche doit avant tout rester unie »

« La gauche doit avant tout rester unie »

Le porte-parole du Parti socialiste, Arthur Delaporte, estime que le président de la République ne respecte plus la Constitution. Il l’accuse de chercher le soutien tacite de l’extrême droite plutôt que de laisser la gauche gouverner.

Que pensez-vous du choix d’Emmanuel Macron de ne pas nommer Lucie Castets à Matignon ?

C’est une décision absolument insensée, et la justification qui l’accompagne est totalement lunaire. J’ai cru tomber de ma chaise quand j’ai lu le communiqué du président. Il prétend poser les règles du jeu alors que c’est la Constitution qui les fixe. Il doit se contenter de nommer un premier ministre selon le résultat des législatives. il ne peut pas être le négociateur des majorités à bâtir au Parlement. C’est le bloc en situation de majorité relative, donc la gauche, qui doit le faire. Et c’est au Parlement de décider d’une potentielle censure contre le Nouveau Front populaire (NFP), mais pas à l’Élysée de la décréter a priori ! Macron outrepasse très largement son rôle. Il prétend défendre la « stabilité » mais sombre en réalité dans le refus des institutions. Le président doit être le garant de la continuité de l’État non pas en confisquant le pouvoir et en ignorant le résultat des urnes, mais en nommant un nouveau premier ministre, ce qu’il refuse de faire depuis six semaines.

Son calcul ne tient que si le RN ne censure pas un futur gouvernement machiniste. Assiste-t-on à une inversion du barrage républicain observé le 7 juillet ? Le RN est-il en train de devenir la béquille du président ?

Macron barre la route à la gauche au motif qu’il y aurait 350 députés hostiles au NFP prêts à le censurer. Mais c’est contradictoire avec ce que le président a énoncé lors des législatives. Il avait affirmé que si le RN obtenait une majorité relatives, alors Matignon serait proposé à Jordan Bardella. Aujourd’hui, alors que c’est la gauche qui a obtenu une majorité relative, le président refuse de nommer Lucie Castets. Quel est donc ce deux poids deux mesures ? Nous sommes devant un discours présidentiel qui tient de la supercherie et qui masque mal sa véritable intention : celle de conserver le pouvoir. Or, tout gouvernement autre que celui du NFP ne survivra que si le RN ne le censure pas. Macron se met donc à la merci de l’extrême droite. Ce président qui a été élu par deux fois grâce au front républicain contre Marine Le Pen, et qui a eu plus de 60 députés de sauvés lors des législatives de juillet grâce à ce front, semble aujourd’hui considérer qu’il est envisageable de conserver un gouvernement machiniste grâce à un soutien tacite du RN.

Que peut faire la gauche ? Lancer une procédure de destitution, comme le propose LFI ? Organiser des manifestations et appeler à un « sursaut populaire », comme le fait PCF ?

La gauche doit avant tout rester unie. C’est l’impératif et la condition de survie de la possibilité d’une alternative et d’une alternance. Si la gauche se fracture, il sera aisé pour le président de reprendre la main. Le NFP a déjà une coalition et une base programmatique solide. Il doit rester exemplaire et se préparer à gouverner. Si jamais Macron contourne les institutions et ne nomme pas le NFP à Matignon, alors il nous faudra convaincre les députés, notamment macronistes, de faire tomber ce nouveau gouvernement illégitime. Il y a une véritable fragilité dans ce que prépare Macron. Toute procédure de destitution me semble cependant contre productive car irréaliste sans le soutien de la droite. Je pense donc que l’irresponsabilité du président doit être sanctionnée à l’Assemblée par une motion de censure. Concernant les manifestations, je suis assez réservé sur la capacité de faire changer d’avis le président en défilant dans les rues. Cela fait des années qu’il ignore toute mobilisation, même quand des millions de personnes se rassemblent contre sa réforme des retraites. Mais je peux comprendre que la manifestation constitue une forme classique et spontanée d’expression d’un mécontentement. Elle est culturellement ancrée dans les modes d’actions de la gauche. Aller manifester, c’est aussi faire comprendre au souverain déchu qu’il a perdu sa base populaire.

Emmanuel Macron appelle le PCF, les Écologistes et les socialistes à « coopérer ». Que lui répond le PS ?

Que c’est le NFP qui est arrivé en tête le 7 juillet. C’est à Lucie Castets d’être nommée à Matignon. C’est aux macronistes de laisser la gauche gouverner. Pas à la gauche de s’aligner sur le programme du président, dont le « en même temps » mène, depuis 2017, dans l’impasse.

Des voix s’élèvent au PS pour critiquer le NFP et la FI. La tenue d’un bureau national a été demandée en urgence par Hélène Geoffroy et Nicolas Mayer-Rossignol. La demande a été signée par Mickaël Delafosse et Patrick Kanner. Qu’en pensez-vous ?

Ce bureau national, nous l’avons bien sûr réuni. Il y a en a eu cinq depuis le 7 juillet et deux conseils nationaux. Nous réunissons nos instances très régulièrement. Et je veux d’ailleurs dire à Mickaël Delafosse et Patrick Kanner combien je les remercie pour tout le soutien qu’ils apportent à Lucie Castets. Il se sont mobilités tout l’été. Le PS est solidaire du NFP, bien au-delà du Parlement et avec les élus locaux.

Entretien réalisé par Aurélien Soucheyre

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