🌹Louis Mermaz nous a quitté. Le socialisme pleure l’un des grands compagnons de route de François Mitterrand qui a œuvré dans les années 60 et 70 à la reconstruction de l’union de la gauche et de l’unité des socialistes. En 1981, avec l’arrivée au pouvoir, il devient le premier socialiste à présider l’Assemblée nationale depuis 1958. Il exercera également des responsabilités ministérielles et la présidence du groupe socialiste à l’Assemblée nationale en 1988, à un moment où il fallait – parce qu’il n’y avait pas de majorité absolue pour les socialistes – savoir se concilier le soutien des communistes mais aussi de centristes.

Son habileté politique et sa connaissance fine de l’institution parlementaire lui ont également valu d’occuper le ministère des relations avec le Parlement couplé avec le porte-parolat du gouvernement en 1992-1993. Mais Louis Mermaz, au-delà d’être un homme d’État et un grand responsable et militant socialiste était un authentique humaniste, cultivé et humble.
Son combat pour la dignité des conditions de rétention des étrangers, il a rédigé en 2000 un rapport parlementaire qui a fait date, et ses propos forts en 2014 sur l’absurdité du démentèlement de camps de migrants qui produisent plus de problèmes qu’ils n’en règlent montrent qu’il appartenait à une gauche qui savait où se situaient ses valeurs.

Il y a un an et un jour exactement, son grand ami Louis Mexandeau est décédé. Il était âgé de quelques semaines de plus que lui. Ils avaient tant partagé, de la préparation commune de l’agrégation d’histoire, qu’ils avaient réussie, à l’aventure de la Convention des institutions républicaines puis à la marche vers le pouvoir suivie de l’exercice, des droits nouveaux, mais aussi des déceptions et des défaites. Il tenait à venir à Caen pour l’hommage que nous devions rendre à Mex, l’occasion de retrouver notamment Laurence Dumont, ma prédécesseure (une « mermazienne », car il fut un temps pas si lointain où il y avait des mermaziens au PS).

Quand il s’est dirigé vers l’estrade dans l’hôtel de ville de Caen, le souffle haletant et s’appuyant sur ses deux bâtons de marche nordique dont il disait le plus grand bien, pour prendre la parole, il y avait un murmure de respect pour ce qu’il incarnait. Dès qu’il a pris la parole, c’est un silence stupéfait qui s’est établi. Se redressant et se détachant de ses notes, Louis Mermaz s’est élancé. Il a retracé avec brio, finesse et humour le parcours de son ami, leurs histoires et leur époque, leurs combats et leurs espoirs de changer la vie.

Puis il est reparti, simplement comme il était venu, avec ses deux bâtons de marche nordique qui l’accompagnaient aussi lorsqu’il est venu à l’Assemblée nationale – en bus – au début de l’été 2023, pour un déjeuner destiné à réfléchir à l’histoire du groupe socialiste à l’Assemblée nationale qui fêtait alors ses 130 ans.

Louis Mermaz emporte avec lui ce regard vif sur le monde, son engagement pour une gauche de la justice qui s’assume et sait pour qui (et contre quoi) elle se bat.

Il nous laisse ses mémoires, ses carnets et ses archives, qu’il a patiemment préparées pour que les chercheurs de demain puissent se replonger à travers elles dans les plus grandes pages de l’histoire la gauche.